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Text: Jacques Bertin. Other. Menace.


Dans un bureau conditionne, peut etre, il y aura eu
Une defaillance dans le calcul du compte des denrees
Ou une maladie balancee dans la chaine alimentaire
Par un comptable sans pouvoir
Il suffira d?une avarie presque minime pour que se casse
Une extremement flexible tige ou un miroir
Il suffira d?un signe dans le ciel, un oiseau immobile
Ou trois fois rien de different dans l?intime de l?air
Ce sera vers midi et se fera un grand silence
Et tout de suite on entendra un cri de femme long
Comme sorti d?une voiture accidentee dans un decors de pluie
On vous aura annonce votre mort a la television

Il sera aussitot et simplement trop tard
Trop tard pour tout, pour la colere et pour le cri
Trop tard pour la fuite et trop tard pour la revolte
Trop tard pour le dernier bateau et pour la lutte et pour la vie
La lumiere s?eteint partout, des telephones sonnent
Il souffle un joli vent veneneux dans les hopitaux deserts
Vous vous trouvez atteint par grappe et vous mourrez
Une reaction incontrolable propage un gaz dans le ciel vert
La misere n?a que son mufle et vous vous jetez sur les routes
Pour la grande scene de l?exode qui cette fois finira mal
Il n?y a plus de refuge au bout de la route, plus de route
Plus de sens de la marche, plus de marche a suivre, plus de sens

Vous allez de plus en plus vite, certainement
A Lyon ou a New York, dans de grands avions impassibles
Que lancent depuis des chapelle aseptiques des voies fabriquees
La misere, vous la visitez en club dans des pays exotiques
Dans les appartements bourgeois qui ont l?allure des scenes de theatre
Ou tout passe par le filtre du velours et de la convention
On manie l?argenterie, le mot d?esprit, le capital
Et le concept et surtout sans jamais presque hausser le ton
La bourgeoisie regne en papier crepon sur son royaume
Sure d?elle meme, de sa technologie, de ses oreilles de coton
On ne sait pas trop ou l?on va mais qu?importe,
Quand on accroche sur le role, on improvise et a Dieu va - t

L?emotion vide que vous recitez, le theatre
Donnent dans les greements sur le ciel peint en haut
C?est une sorte de bateau fantome bien dans ses cales
Quelques petits milliards de negres qui ont peur
Monde factice, O monde sans raison, monde fragile
O, qui vit follement de sa fragilite
Qui trouve dans sa fuite un certain relatif equilibre
Et l?abime comme un ventre attire les fous qui vont s?y damner
Monde captif, O monde sans amour, monde fragile
Brave gens qui vous etes laisses drainer
Je veux repandre la terreur comme une maree patiente
Il reste peu de temps pour sauver le monde et vous sauver

Il reste peu de temps pour la sainte colere
Je vous voit comme un cheval aux jambes brisees
Les yeux fous qui cherchent a se lever, qui cherchent une aide
Dans le ciel vide autour de lui qui tourne et dans sa tete emballee
A plat, ah vous ne croyez plus beaucoup a l?amour ni a l?insolence
Si je dis « humble » pour voir derriere vous, vous vous tournez
Quel est celui que par ce vocable suranne je designe ?
La revolte vous semble affaire de maniaque ou d?enfant gate

Mais il y a comme une sale maladie dans la joie
Comme une crise de confiance dans la qualite de l?eau du robinet
Peut etre que les fruits du c?ur sont traites, il y aura toujours un doute
Tout d?un coup le soupcon s?installe et vous voila parcouru par la frousse
Terreur, je veux, Terreur, je veux repandre
Comme un apport de sang dans l?organisme fatigue
Guerres saintes partout, on vous avait confie des armes
Qu?en avez vous fait, souvenez vous, qu?en avez vous fait
Dites, qu?avez vous fait de la parole qui est une braise ardente
On la prend a pleine main, on porte le feu
Dans les termes epuises, dans les mauvaises blessures
Dans les mauvais sommeils, ou sur les yeux des gens qu?on veut aimer
Je vais porter la guerre dans les journaux, chez le vieil humanisme
La qui s?avachit dans l?eau stagnante des chroniques et des marais
Mes petits feodaux, le parapet vous n?y passez surtout jamais la tete
On trahi gentiment derriere les sacs du courrier des lecteurs entasse
Il nous faut des porteurs de paroles avec des chenilles d?acier dans la tete
Pour conduire dans les vallees ce peuple hagard de jeunes gens
Dieu les protege et Dieu les guide et Dieu les aime
Ils ont foyes le vieux monde corrompu d?un buisson brulant
Parole, pour porter des coups, parce qu?il est grand temps de parole
La verite, la verite, comme si la vie en dependait
Parole, pour ouvrir un territoire avec des blessures fertiles
O Paroles, avant que ne s?avance la saison

Demain, il y a un virus fabrique par hasard,
Les bateaux qui n?arrivent plus
Une ampoule qui claque a la regie finale
Une bombe de trop dans le magma central

Je vous dit qu?il est temps, ce monde est dans ce carnet qu?on referme
D?un geste las et qu?on ecrase comme un c?ur
Regardez s?envoler votre dernier bel avion magnifique
Il s?en va errer dans la banlieue des pourquoi, comment
Ce monde, on l?oubliera, dites vous bien, tres vite
Comme dans un ephemeride, un chiffre parmi cent
Ce monde est deja rien de plus qu?un graphisme miserable
Dans quoi, l??il et la raison cherchent ce qu?on pouvait y trouver
Maintenant que le livre se ferme, sentez ce vide capital
Le ciel est desert, la terre bruit de cris desaccordes
Que se levent ici, ceux qui ont de l?esprit pionnier dans la tete
Il va falloir des ce soir tout recommencer

Jacques Bertin