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Text: Jean Ferrat. Les Tournesols.

Mon prince noir et famelique
Ma pauvre graine de clodo
Toi qui vecus fantomatique
En peignant tes vieux godillots
Toi qui allais la dalle en pente
Toi qu'on jetait dans le ruisseau
Qui grelottais dans ta soupente
En inventant un art nouveau
T'etais zero au Top cinquante
T'etais pas branche comme il faut
Avec ta gueule hallucinante
Pour attirer les capitaux

Mais dans un coffre climatise
Au pays du Soleil-Levant
Tes tournesols a l'air penche
Dorment dans leur prison d'argent
Leurs tetes a jamais figees
Ne verront plus les soirs d'errance
Le soleil fauve se coucher
Sur la campagne de Provence

Tu allais ainsi dans la vie
Comme un chien dans un jeu de quilles
La bourgeoisie de pacotille
Te faisait le coup du mepris
Et tu plongeais dans les tenebres
Et tu noyais dans les bistrots
L'absinthe a tes pensees funebres
Comme la lame d'un couteau
Tu valais rien au hit-parade
Ni a la une des journaux
Toi qui vecus dans la panade
Sans vendre un seul de tes tableaux

Mais dans un coffre climatise
Au pays du Soleil-Levant
Tes tournesols a l'air penche
Dorment dans leur prison d'argent
Leurs tetes a jamais figees
Ne verront plus les soirs d'errance
Le soleil fauve se coucher
Sur la campagne de Provence

Dans ta palette fremissante
De soufre pale et d'infini
Ta peinture comme un defi
Lance une plainte flamboyante
Dans ce monde aux valeurs croulantes
Vincent ma fleur mon bel oiseau
Te voila donc Eldorado
De la bourgeoisie triomphante
Te voila star du Top cinquante
Te voila branche comme il faut
C'est dans ta gueule hallucinante
Qu'ils ont place leurs capitaux

Mais dans un coffre climatise
Au pays du Soleil-Levant
Tes tournesols a l'air penche
Dorment dans leur prison d'argent
Leurs tetes a jamais figees
Ne verront plus les soirs d'errance
Le soleil fauve se coucher
Sur la campagne de Provence
Jean Ferrat